En Août 1968 , quand je suis arrivé à Boulouyel
( Arrondissement de Simbing , Département de Nioro du Sahel , Mali , et , pas trop loin d’ Aïoune El Atrouss de la Mauritanie ) pas de:
— sucre
— sel
— huile.
Pots de gloria , boîtes de sardines et semblables , << c’ est quoi même ? >>
Pas de
savon ( sauf de fabrication locale )
pas de
lampe tempête ni de pétrole.
Il n’ y avait
— ni bougie
— ni lampe torche.
Dans les cases , il fallait , la nuit , un feu de bois pour s’ éclairer “wood – fire”
et “fire – wood” !
On remuait un tison afin que cela brille quelques minutes
( ɗum yalmitoo, en Pulaar )
L’ eau du village était très douce , mais difficilement buvable. Pourquoi ?
Nous le montrerons tout à l’ heure.
Il y avait quelques puits creusés à même le sol , peu profonds , sans margelle.
Il s’ y trouvait
aussi un puits en ciment , qui existe encore.
Qui l’ avait foré ? On ne se le rappelle plus au village ( on ne s’ en souvient plus )
Seul Baydi Tall , peut-être , aurait pu répondre à cette question or , Baydi et mort.
Sur lui et sur tous les trépassés ( qui sont seulement des devanciers )
miséricorde estime et salut de Dieu.
Cette eau de Boulouyel ,
même laissée des heures durant , à décanter ,
ne pouvait devenir limpide:
de petites particules de vase et
de minuscules filaments de radicelles , matières pas vivantes mais insaisissables
et “refusant” de se déposer au fond des calebasses et des canaris , s’ y baladaient en permanence , montant , descendant.
Donc , pas d’ eau potable.
Le plat de midi était , pour tous , ñiiri laalo
( pâte de mil aux feuilles sèches et pilées de baobab )
épais , extrêmement gluant et sans sel.
Le dîner était du couscous blanc , fin , avec sauce de feuilles ou de haricots mais , heureusement , avec beaucoup de lait frais.
Idem pour le petit déjeuner
+ karaw ( bouillie de grumeaux de farine de mil ) au lait caillé.
Le poisson sec était inconnu.
Celui , frais ,
n’ en parlons pas.
Pour certains vieux du bled , entendre parler du fait de manger du poisson leur était aussi
répulsif que de devoir consommer des sauterelles
( nous sommes en août 1968 à Boulouyel )
Tous les aliments , surtout constitués de végétal , étaient naturels , simples et sains.
Votre ventre devenait votre horloge.
Il y avait aussi jujubes , blanites aegyptiaca ( P. murotooɗe , W. sump )
fruits du baobab.
Mais
zéro dattes , mangues ,
anacardes , oranges , citron ou tout autre fruit.
Des oiseaux: pigeons , perdrix , pintades , etc.
étaient pris aux pièges et à la glue par les enfants.
La saison séche durant ( ceeɗu oo fof )
des kalaos aux becs de toucans étaient dénichés de trous d’ arbres.
On les mangeait , cuits au piment enragé ( petit piment )
A un soir de haaraan( Jour de l’ An Musulman )
qui m’ a trouvé au village , le repas de la nuit ,
tardif , était du couscous aux pintades.
Il y avait , seulement , comme légumes , à Boulouyel , le gombo , l’ aubergine amère ,
l’ oseille de Guinée ( follere , hibiscus sabdarifa )
La – bas ,
ce sont les gousses qu’ on utilise , en les transformant en “buuti”
( “netetu” ou fromage africain )
Est jetée
la partie “corolle” rouge foncé ou , des fois ,
vert – blanc , recouvrant
“le fruit” , cette partie là , de l’ oseille , si prisée des Sénégalais
( pour laru , bouillie acide de mil au follere et à l’ arachide , jus de bissap etc. )
À Boulouyel , civilisation de la vache , du cheval et de la kola , il
n’ y avait , alors ,
pas de
radio ni de
briquet.
Un allume – gaz , pour quoi faire ?
Les allumettes ? Rares.
La monnaie ?
Franc malien très devaluée.
À la tête du Mali ,
le Militaire
Moussa Traoré venait d’ avoir remplacé l’ Instituteur Modibo Keita.
Difficile le Développement de l’ Afrique.
À Boulouyel ,
durant l’ hivernage , on ne se lavait pas les mains
et autres superstitions.
Qu’ en était – il à Sikasso , à Mopti , à Koutiala , en ces temps déjà loin derrière nous ? Nous ne le savons pas.
Le Mali ( anc. Soudan Français ) est de géographie variante et , est cinq fois plus grand que le Sénégal.
Il semble pleuvoir plus à Sikasso ( visitée une vingtaine d’ années plus tard ) qu’ à Abidjan.
Bamako , jouxtant le Dioliba , est , si je ne m’ y trompe , de climat guinéen.
Kayes ? Gao ?
Du village de
Boulouyel , pour y revenir , lui et ses villages satellites , qu’ en est – il , de nos jours ?
Actuellement , de nombreux marchés hebdomadaires
ravitaillent ces bourgs en divers produits mais , partout , encore ,
c’ est le Sahel pur et dur.
La grand’ route , allant vers la Capitale est à 25 kilomètres du village , par Diangounté Kamara.
À dire vrai ,
les années 1990 / 2000 ,
de très grands et louables efforts ont été déployés pour de larges routes goudronnées , en ce pays , si africain , si laborieux , si montagneux par – ci , si raviné par – là.
Fruits et légumes sont encore rares à Boulouyel de Nioro du Sahel.
Jusqu’ ici , à notre Boulouyel , village où demeura longtemps ma Mère , pas
d’ école , pas d’ eau courante , pas
d’ électricité.
Pour le
dispensaire , il faut aller à Diabijala , à cinq kilomètres , à pieds , à dos de cheval ou en charrette
de cheval ou d’ âne.
Camions ,
motos et taxis – brousse , commencent à sillonner des sentiers que seuls connaissaient les troupeaux et , cela va , augmentant chaque année.
Ils rendent de grands services.
Présentement ,
de notre modeste constat , nous trouvons que
les Radios , Télévisions
et Réseaux Sociaux du Pays sont axés sur l’ éveil des populations et le développement du Mali , plus que ne le sont des media de nombreux autres pays.
Neene Aysata Tall,
vrai protype
de la Fuutanké , femme élancée , à teint clair , aux fins traits , au port altier et royal , à voix aux sonorités rarement entendues , au rire contagieux , à très agréables prières , a vécu à Boulouyel
d’ env.
1950
à 2003.
Cette Servante de Dieu , au grand coeur ,
vous disait la vérité ,
“hay so aɗa fuɗi allaadu kaŋŋe”
( eussiez vous une corne en or sur la tête )
Elle cultivait maïs , riz des étangs ,
arachides , haricots , oseille , cotonnier etc.
comme les natives du terroir.
Elle est une brave ménagère:
cuisine attirante , linge brillant de propreté et odorant , le plus souvent rincé aux marigots.
Elle était respectée de tous.
D’ aucuns , au village , juraient par son
prénom et patronyme , tel : << yaa yii Aysata Tall , luɓam , ma mi artir >> ( que Dieu te montre le visage d’ Aysata Tall , prête – moi , je vais ramener ) et semblables jurons et engagements.
Cette Aysata ,
ma mère ,
pieuse , heureuse , et rieuse , possédait
champs et bétail.
Elle était prompte à vous donner une vache.
Une fois , un voleur lui prit , nuitamment , huit moutons de belle race.
Elle ne s’ en est pas pleinte outre mesure.
Elle parlait:
Pulaar ( en nuances que sont Fuuta Tooro , Pullo Jeeri , Macina , Fuuta Jaloŋ )
Elle “entendait” aussi le Seereer, ce parler du Sine , au Sénégal , en lequel , souvent , elle et moi causions à Boulouyel , à l’ étonnement de tous.
Elle parlait
Bambara , Soninké , Hassaniya ( dialecte arabe des Maures )
Soussou ( elle avait longtemps séjourné à Kissidougou avec le Père des Ismaïla )
etc.
Elle n’ avait pas du tout , loin s’ en faut , désappris le Wolof , aux nombreux dictons , aux cinglants
<< faalewuma la ! >>
( tu ne m’ intéresses guère , je n’ ai cure de toi )
Al Haajji
Thierno Mamadou Amadou Sall , Père de mes Frères du Mali ( le Tubaab dit demi – frère ) était un célèbre Guide Religieux.
Par exemple ,
Avoir rappelé son nom nous avait permis d’ être , Jibriilu Sall , Tijjaani Sokoma Da ‘aweehum , et moi – même , bien reçus par Thierno Haadii Tall , très profond Marabout , alors presque inaccessible par citoyen inconnu.
Père Mamadou Amadou Sall était riche en champs , vaches , ovins , caprins , chevaux , charrettes , charrues , jattes et barrates à lait , livres arabes rares , conseils bénéfiques et , larges relations , jusque dans de lointains villages et de lointaines villes.
Père Mamadou Amadou avait de nombreux cousins et cousines.
Avons pu connaître bon nombre de leurs enfants ( ex: Amadou Bocar Sall , si ferré en Koran et en ésoterisme , aimant aller à Kayes , à Mahina ;
Oumar Mayram Jallo
Grossiste en tissus ~ habitant Korhogo ~ )
Père Mamadou Amadou
avait de nombreux amis dont
— Ceerno Mamadou Buuɗi Kane ( excellent cavalier , dans Boulouyel même )
— Ceerno Mamadou Sokoma de Diabijala ( Disciple de Thierno Ahmadou Barro Mbour )
— Ceerno Mamadou Madoŋaa Ly
~ Condisciple depuis Thierno Hammee Baaba Talla d’ Al Haajji Ceerno Muhammadu Saydu Bah Fondateur de Madina Gounasse et de nombreuses autres villes religieuses , aux Talibés partout reconnaissables de par leur brillance et leur retenue ~
— Ceerno Mokhtar Dia de Madoŋa aussi
~ Maître coranique , à plume étonnamment rapide , un des Talibés du fin lettré Sénégalais Thierno Ibrahima Niass dit Baye , aux milliers de disciples , de par le monde ~
— Shariif Ma’araf de Boullou Raŋaaɓe
~ bel homme , aimant faire rire et , au beau coursier , un magnifique crin blanc , comme venu de la Camargue ~
— Samba Jaareejo Konté ~ griot à guitare africaine inoubliable dont le superbe
pure – sang couleur geai tirant sur l’ azalée , passait la nuit dans une large moustiquaire ~
etc.
Voyager c’ est beaucoup découvrir.
Voyager éveille bien les jeunes gens aux yeux purs pour lesquels tout est pureté et motif d’ enthousiasme
( de en et de theos , ce Dieu en nous )
Père Mamadou Amadou
était très calme et patient.
Il parlait posément , clairement.
Il honorait tout le monde.
Quand , en 1970 , il a vendu de nombreux boeufs pour aller au Pèlerinage , il m’ a envoyé un télégramme pour m’ en informer.
En Décembre 1978 , alors que j’ ai perdu un être irremplaçable en mon fors intérieur , il est venu jusqu’ à Mbour me présenter ses condoléances.
En vérité , je ne lui connais aucun défaut.
Il avait quatre épouses:
Neene Habii Sall , sa cousine ; Neene Aysata Tall , d’ Aéré Lao Sénégal ;
Neene Kadidiatu
Golloko dite
Nanngu , de Diabijala ; Neene Jeynaba Dia ,
de Gajaba Kaaƴel.
Neene Aysata était la deuxième.
Elle m’ a dit , à moi son aîné , avoir , une nuit , rêvé occuper cette position de deuxième épouse , dans un village lointain , parmi champs et pâturages.
Ce rêve , si péremptoire ,
lui est arrivé , tôt , quand elle était encore chez mon père, homme qu’ elle aimait et qui l’ aimait ( selon Taanoo Kummba Horsi Sala Barro )
Dieu est plus Grand que tout , est Mystérieux et , est plein de mystères.
Un heureux hazard avait une fois fait venir Père de Fatick et Mère de Boulouyel à mon logement administratif de Tambacounda
et , je suis allé avec eux à Madina Gounasse.
Ma grand-mère m’ a beaucoup raconté.
Les mauvaises gens , hommes et femmes , surtout de nos proches , ont gâché tellement de bonnes choses.
Que Dieu nous en préserve.
<< Ko nofru hejji joomum >> ( en W. Nopp moo mag boroom )
Litt. “Nos oreilles sont plus âgées que nous” , pour dire: nous pouvons être informés de ce qui s’ est passé bien longtemps avant notre naissance.
Père , Disciple de Thierno Saydou Nourou était
honnête , vertueux , pieux ,
régulier à la mosquée , muezzin ponctuel , travailleur ,
maîtrisant nombreux métiers ( maçonnerie , menuiserie , couture à la main
~ jennankaagal ~ enfilage et décoration de chapelets.
Il était
grand cultivateur variant sa culture ( mil , arachide , haricots , patates douces , courges )
Il était éloquent mais peu bavard et “jaambuur” serviable , habile , adroit , patient , plein de politesse et de scrupules , polyglotte aux six parlers ne s’ entremêlant jamais.
Il était , en somme , très bon , très utile.
En dehors du Pulaar et du Wolof , Père
était un dictionnaire en Seereer et en Bambara de Ségou. Appris où ?
Mystère et boule
de gomme !
Seul , lui , Umar Baabajaa Kebbeh , Lamine Faatimata ,
Mamadou Kummba , aurait pu répondre à cette question , or …
Nonobstant ces activités , Père Muhammadu – l – Amiin Alfa Sileymaani Kebbeh , simplement Mamadou Kébé sur sa carte d’ identité ,
n’ était pas riche. Malgré tout , des gens venant du Fouta , du Baol , des environs de Diakhao Sine , de Ñooro du Sahel etc. le prenant pour un riche
<< se cachant >> venaient toujours solliciter toutes choses de lui.
Il nous disait:
je crois , puisque je m’ évertue à être
Talibé Tidiane, Dieu n’ a de cesse de jeter sur moi son vaste drap de sutura ( cf. storea , stores ! )
Sa maison ne désemplissait pas en visiteurs. Savent tout cela ceux qui l’ on connu.
Il a eu cinq enfants.
Est , seul , encore à en rester , l’ aîné , celui qui est en train de faire ici pour vous relation sur certains aspects de notre environnement.
Père Mamadou Amadou Sall de Boulouyel , lui , avait eu de
nombreux enfants ( garçons et filles ) que je connais.
Il a eu aussi
des Talibés ,
des Bergers ,
des
<< Galluŋkooɓe >>
( Serviteurs , prêts à l’ aider et à être envoyés )
des amis
Maabuɓe ( Tisserands , Potières , Diseurs de Contes et de belle – aventure , Cousins et Cousines à plaisanterie des Sall )
des
Wayilɓe ( forgerons et bijoutiers )
tous
dépendant de lui , plus ou moins , à un certain pourcentage estimable.
Il avait tellement de vaches , qu’ en vérité , lui , cachait sa richesse pour se défier , se méfier des regards malveillants et des langues fourchues , le tout pleins d’ ondes maléfiques , quoi qu’ en penseraient des “scientistes”.
Nos anciens donnait beaucoup l’ aumône et rendaient beaucoup service , ce qui n’ est pas minable au su et vu du Maître et Ordonnateur des mondes et , qui dispose de toute chose comme Il Veut.
Ceerno Mamadou Amadou Sall , aussi ,
parlait de nombreuses langues et était très versé en Koran , en asraar voire en proverbes et dictons de diverses langues.
Il était remarquablement hospitalier , très prodigue et très utile au voisinage , notamment , et à tous ceux qui l’ approchaient.
Il priait cinq fois / jour à la mosquée ( alors en terre battue et solide pisé )
et était présent , matins et soirs , aux séances de Waziifa.
L’ essentiel du programme du Cheikh Ahmadou Tidiane Shariif est de rappeler aux Musulmans que le Zikr est éminemment bon et , qu’ il faut beaucoup en faire les matins et les soirs et , qu’ “à bon entendeur salut”.
A un de mes neuf voyages à Boulouyel , Père Mamadou Amadou m’ a reçu avec un grand boeuf et , tout Boulouyel et villages environnants sont venus célébrer mon arrivée , avec des Sourates de Koran récitées , des Abyaat etc.
<< wa ajruhuu alal Laah >>
( que Dieu l’ en rétribue amplement )
La veille de ce << bernde >> ( de cet honneur ) à mon arrivée , de nuit , une fois couché , j’ avais rêvé avoir vu Thierno Muhammad al Mansour Ahmad Barro survolant le village en y déversant du parfum.
La bonne odeur me réveilla.
Étonnant !
Les rêves peuvent nous montrer le passé , le présent ou bien le futur.
Que sont – ils ? Freud n’ a pas pu tout expliquer.
Toujours essayer est un grand mérite.
Être fainéant ( fait – néant ) paresseux ,
aimer se reposer sans être fatigué ,
c’ est partout infécond et infructueux.
Thierno Mamadou Amadou
m’ appelait son fils ainé , enfant bien éduqué
et , ami.
Vive nos Parents , excellents Éducateurs , sans coup férir.
Il avait mis à ma disposition
sa chemise à tirette contenant tout l’ asraar de leur famille Sall.
Tout cela , ce temps passé , domaine de l’ histoire , est repassé ici en revue pour remercier Dieu , pas du tout pour en retirer une quelconque gloriole.
O.K ?
Al Hamdu lil Laahi.
[[ ERRATA
Lire plutôt : Baydi est …
prototype …
Yaa yii yeeso …
Nos anciens donnaient …
avoir rappelé ( a minuscule )
pur – sang
etc.